L’affront des affronts
Tandis que de nombreux chefs confessionnels, en quête de privilèges, rampent devant le régime au pouvoir, l’Eglise Catholique fait figure de trouble-fête, en refusant de jouer le jeu. Sa neutralité pendant le référendum constitue l’affront des affronts pour Marc Ravalomanana.
Même si, à propos de la Constitution révisée, l’Eglise Catholique n’a condamné ni la suppression de la laïcité (on le comprend aisément) ni le maintien de la peine de mort (on le comprend moins bien), il convient de féliciter le fait qu’elle n’ait pas pris position en faveur du oui lors du référendum. Elle a fait preuve d’un courage politique remarquable et d’une prise de responsabilité appréciable.
L’Eglise Catholique, qui avait pourtant soutenu Marc Ravalomanana pour son accession au pouvoir, s’est donc rebiffée. Plutôt que de s’agenouiller devant le pouvoir, elle a préféré écouter les aspirations d’une majorité du peuple qui vit dans des conditions humainement inacceptables. Plutôt que de basculer dans la diablerie de la lutte armée, elle est entrée en résistance, du moins à sa façon.
Les piques de l’Eglise Catholique à l’endroit du régime viennent ainsi rejoindre le concert de critiques des opposants. Ceux-ci en avaient bien besoin de ce renfort inespéré. Leur contestation bénéficie ainsi d’une caution inestimable. Grâce à cette étincelle divine, ils se sentent moins seuls, moins hors-la-loi et plus forts pour sauver une démocratie en état de décomposition. Toutefois, il est faux de croire ou trop tôt pour affirmer que l’Eglise Catholique a grossi les rangs de l’opposition. En effet, en tant que force spirituelle et politique, elle préfèrera les pressions subtiles à la révolution radicale.
Ni l’opposition ni le régime en place ne peut réellement présager des desseins de l’Eglise Catholique qui a toujours entretenu des rapports ambivalents avec le pouvoir politique en place à travers l’histoire de notre pays. En effet, derrière son acte de bravoure contre l’arbitraire, il faut y voir une stratégie de reconquête du pouvoir ou tout au moins du terrain perdu.
Les opposants se trompent s’ils espèrent que l’Eglise Catholique approuvera tous leurs propos, faits et gestes. Marc Ravalomanana a tort de méconnaître les actions discrètes mais efficaces de l’Eglise Catholique à Madagascar qui a largement soutenu les mouvements en faveur de l’autonomie et de l’indépendance. Il a également tort de sous-estimer l’installation de l’Opus Dei. Il a enfin tort d’ignorer le fait que ce n’est pas un hasard si Didier Ratsiraka, bien qu’il soit catholique, a subi un revers de fortune deux ans après la venue du Pape Jean Paul II à Madagascar en 1989.
Dans son intérêt, Marc Ravalomanana ne devrait pas se contenter de la certitude que la foi sauve. Sans doute sera-t-il trop tard lorsqu’il aura décidé de faire son mea culpa.
Phil de Fer
