Le père Rémi Ralibera revient à la charge pour expliquer la neutralité de l’Eglise catholique, et aussi pour prodiguer des conseils à l’endroit du régime qui a besoin de se mettre à l’écoute de la population. Entretien.
+ La Gazette : Ces derniers mois, les catholiques semblent avoir choisi l’opposition ?
= Père Rémi Ralibera : « Je tiens à noter que les catholiques, et les protestants, sont des citoyens comme tout le monde. Aussi, sont-ils libres d’avoir leurs propres opinions. Quoi qu’il en soit, cela n’empêche pas les autorités ecclésiastiques d’émettre des recommandations si besoin est. Avant le référendum, par exemple, la conférence épiscopale a dit clairement qu’il est mal indiqué de procéder à l’actualisation d’une affaire aussi importante que le référendum, compte tenu des intempéries qui ont causé des dégâts à travers l’île, mais aussi à cause du temps relativement trop court pour pouvoir expliquer aux électeurs les tenants et aboutissants des réformes qui vont s’opérer. Malheureusement, le pouvoir n’en a pas tenu compte ».
+ Mais quoi qu’on dise, Marc Ravalomanana est sorti victorieux !
= « Certes, il peut jubiler, mais je doute fort que ce soit vraiment le cas. Malgré ce vote rural, en faveur du « oui », je ne peux émettre que des réserves. En tout cas, la majorité des Malgaches ont boudé les urnes. Ce qui est fait est fait, et le plus important maintenant, est que le pouvoir, et le président de la République en particulier, prennent le temps de bien réfléchir sur les réalités, sinon, ils ne feront pas long feu ».
+ Que reprochez-vous exactement au président de la République ?
= « C’est cette manière de faire fi des avis de tout le monde. Il n’écoute jamais personne ! On lui a seulement confié le pouvoir afin qu’il dirige la nation et non pour lui-même. Et ne nous étonnons pas s’il y a cette situation objectivement instable, mais à la malgache. On se tait car on a peur. Vous savez, actuellement, les gens font semblant de vous soutenir alors qu’il en est rien en réalité. Néanmoins, un jour ou l’autre, tout cela éclatera et les tenants du pouvoir ne pourront plus rien faire. C’est pourquoi, j’insiste, une fois de plus, à ce que Marc Ravalomanana tienne compte des avis des autres et surtout de ceux qui osent parler ».
+ Mais pensez-vous que le régime va s’en sortir ?
= « Je ne veux pas entrer dans l’actualité brûlante de l’heure, mais tout dépend de la manière dont il gèrera la crise. S’il a la volonté politique d’arriver à un apaisement, nous pourrons nous en sortir. Dans le cas contraire, c’est son problème ; il a intérêt à bien étudier la situation ».
+ Peut-on craindre une dictature ?
= « Je n’irais peut-être pas jusque-là. Je pense plutôt que nous devrions attendre comment il va utiliser tous les pouvoirs que la nouvelle Constitution va lui conférer. S’il en abuse, c’est fini, et pour lui et pour le pays. En tout cas, je prie le Seigneur pour que ce ne soit pas le cas. Mais parallèlement à cela, l’opposition se doit d’être solidaire ».
+ Mais ne croyez-vous pas que faire de la politique, aujourd’hui, est devenu un métier dangereux ?
= « C’est peut-être vrai quelque part, mais les opposants qu’on emprisonne et qu’on harcèle aujourd’hui peuvent devenir les dirigeants de demain. Si Roland Ratsiraka tient bon, il peut devenir le leader de demain. D’ailleurs, il n’a que 41 ans, je crois. Et c’est pareil pour Voninahitsy et les autres. Il faut prendre le modèle de Nelson Mandela ! »
Recueillis par Tiana Rajaona
